FORMATION Ψ RECHERCHE Ψ ÉTUDES Ψ INTERVENTION
Jean-Pierre VOUCHE
Présentation du cas :
Un patient lors d’une consultation clinique propose en fin 2007, d’écrire un livre avec des idées innovantes pour un gouvernement européen. L’une des propositions vise à jumeler chaque enfant de 10 - 11 ans avec un autre enfant du même âge mort dans un camp de réfugié palestinien à Chabra (Liban) ou avec un jeune cochinchinois bouddhiste brûlé dans l’incendie de sa maison durant la guerre d’Indochine ou avec un enfant protestant de la Commune de Paris mort sur les barricades rue des Martyrs à Paris ou d’un jeune algérien musulman mitraillé par la troupe colonialiste dans le djebel ou d’un jeune tzigane hongrois homosexuel précoce de parents spartakistes gazé dans le premier camp nazi !
Les cliniciens au courant de cette proposition relevant de la violence morale, hésitaient sur le diagnostic clinique et sur son degré de dangerosité présent et à venir ! N’ayant jamais été condamné par la Justice, les experts ne devraient pas encore statuer sur la nécessité ou non d’une rétention psychiatrique au long cours après sa peine.
Discussion clinique :
• Il est clair que cet adulte s’en prend aux plus petits, sans défense, malléables, fragiles. Donc un aspect manipulateur est retenu.
• Cette tendance à l’instrumentalisation des enfants est récurrente, il proposait aussi dans cet ouvrage au président de cet Etat, de mettre son fils en avant dans les congrès politiques pour bénéficier en retour d’une plus grande popularité, puis aussi de porter le fils de sa copine sur les épaules en visite touristique devant la presse. C’est être naïf et ignorer les facéties des enfants à jouer à se cacher les yeux pour rigoler ou ne pas voir l’insoutenable de la scène, ce qui rendrait absurde cette idée
!• Il est évident que la toute puissance de l’homme fort, rêve de s’exercer sur le citoyen – idéal, infantilisé. Rêve, fantasmes de pouvoir absolu sur les êtres ! Sachant qu’aucun Etat moderne ne peut s’arroger ce type de pouvoir, cet homme est hors des réalités contemporaines. Quel chef d’Etat pourrait reprendre à son compte cette proposition ridicule et cynique. Le rapport à la réalité de ce patient est donc en question.
• Le fantasme de modeler l’être humain est un rêve habituel de dictateur ! L’aspect péjoratif du fonctionnement psychique est retenu. Machiavel a écrit : « Un prince qui peut faire ce qu’il veut est fou ! ».
• Par ailleurs cet homme est capricieux, frôlant souvent le ridicule, d’une légèreté stupéfiante et imprégnée d’ignorance ! Seul un homme qui refuse la maxime de Socrate « Connais toi, toi -même » peut penser qu’il serait salutaire pour une enfant de s’identifier à un autre enfant de son âge exterminé par des barbares.
• Ce patient ne connaît visiblement rien au fonctionnement psychique de l’enfant !
A-t-il des enfants ?
Et dans ce cas quel est leur propre équilibre mental ?
Questions de la toute puissance, de la labilité de l’humeur ou des engagements, ou dans des jeux d’extermination de ses camarades ou amis ?
• Comment un enfant peut-il s’identifier à la terreur, au massacre, à l’enfant mort ? C’est curieux cliniquement d’entendre un patient vouloir transformer un enfant de 10 ans en « mémorial vivant », de l’amener à nouer (comme le nœud du pendu) avec « son » martyr une relation personnelle, affective et penser qu’il puisse partager ses jeux, ses joies, ses espérances et sa mort ?
Cette proposition surprenante se faisant au nom selon lui du devoir de mémoire !
Il n’y aurait pour ces enfants qu’une manière de rendre cette identification possible sans traumatisme (voir les travaux de Boris Cyrulnik sur la résilience, « La rêverie est tellement belle quand le réel est désolé » in « Un merveilleux malheur ».).
Il faut à ces enfants travestir l’Histoire en conte de fées, et peindre le monstrueux en couleur kitch. Mais quel devenir pour ces enfants en terme de santé mentale ?
Est-ce cela que nous donnons comme héritage à nos enfants du monde ?
L’ONU ne parvient même pas à appliquer les lois internationales pour interdire l’implication directe des enfants dans les conflits armés, pour une part du fait que la définition de l’enfant de l’adulte, varie d’une culture à l’autre, pour les pays musulmans à 12 ans âge légal du mariage il est adulte, au Japon la majorité est à 21 ans !
D’autre part abandonnés, orphelins, affamés ils se jettent dans les bras des chefs de guerre aux aguets de ces proies faciles à enrôler.
La France a changé sur le point de la majorité passant de 21 ans à 18 ans, puis ces temps-ci l’excuse de la minorité des délinquants va être par la loi écartée pour poursuivre ces jeunes en révolte, en armes.
Sont-ils les bonnes cibles ? Qui fabrique, qui éduque ces gamins ? Q’ont-ils à espérer dans le fonctionnement de classes, de castes, la lutte des classes, des ghettos n’est pas apparemment politique !
Mais elle interroge le traitement social et politique de ces jeunes !
Accepte t’on nous que les ogres ne sont pas prêts de manquer de chair fraîche !
C’est une conscience morale et éthique qui doit mobiliser tous les adultes du monde pour protéger, épargner ces enfants du monde, un rêve pour Noël : « ils ont droits à d’autres cadeaux ! »
DISCUSSION CLINIQUE :
SOMMES-NOUS DEVANT UN CAS DE SANTÉ MENTALE FRAGILE OU DANGEREUSE ?
La Ligue Française pour la Santé Mentale a proposé les 10 et 11.12.2007 un colloque national sur « L’enfant, l’adolescent, l’adulte et la loi ! », nous devons nous interroger sur le silence des adultes, des gouvernements au niveau international face aux « enfants de guerre » !
Les enfants congolais, libanais, irakiens, iraniens, palestiniens, salvadoriens, bengalis, tchadiens, et autres portent les kalachnikovs en bandoulière au lieu de leurs cartables !
Ils ont 6 ans pour les plus jeunes, les 15 ans sont déjà des vétérans.
La France et l’Allemagne ont aussi à une époque mobilisé des enfants soldats de Napoléon ou de la Hitlerjugend ; il nous est certes difficile de faire la morale à d’autres gouvernements, nations !
Le progrès de l’humanité passe par la levée des hommes contre la manipulation des enfants par des adultes pensant qu’ils ne perçoivent pas la peur de la mort !
L’armée est-elle une famille ?
Quelle famille pourrait envisager d’utiliser ses propres enfants en les sacrifiant
Des familles désespérées, en perte d’éthique, de repères.
Un monde de victimes !
Pour Noël ils auront encore des kalachnikovs ! Quand dynamiterons-nous les ogres aimant la chair fraîche ?
POUR NOÊL, ILS AURONT ENCORE DES KALACHNIKOV !
décembre 2007
Mieux vaut que les enfants fassent l’expérience de la peur et de l’horreur à travers les contes de Grimm et d’Andersen ou les romans de Kipling.
• Quel est le projet de ce patient ? Comment rendre l’autre fou ? A cette échelle comment manipuler des populations entières, dans quelle perspective sociale et politique ?• L’identification (forcée) morbide qu’il propose est présentée comme un apprentissage ludique de la citoyenneté, par la mémoire dans une « relation identitaire » ; c’est un hochet pour ce patient ! Il se méconnaît lui-même pour oublier l’enfance à ce point. S’identifier aux bourreaux ou aux victimes n’est que le cruel caprice de quelqu’un qui fait joujou avec la mémoire, sans savoir ce dont il se souvient. Bien des jeunes ont eu dans leur enfance un ami imaginaire, par solitude ou pour se distraire, par profondeur ou par imagination en tout cas par attrait du merveilleux. Puis est venu le moment longuement médité, où l’on dit adieu à l’imaginaire et où commence la confrontation avec l’autre véritable, vivant qui fixe nos limites et les siennes. Mais comment prendre congé du petit Nassim, du petit Khuc Tan, du petit gavroche, du petit Mohamed, du petit Itsvan sans se sentir épouvantablement coupable ?
Comment l’enfant pourra-t’il s’en détacher sans commencer par haïr ce fardeau que l’école l’a chargé sans lui demander son avis ?
Comment étiqueter cliniquement ce patient assaisonnant l’espérance d’une dose de terreur ?
Je vous pose la question chers collègues ? Question : Comment un homme raisonnable peut-il imaginer confier l’éducation de nos enfants, en faisant jouer à l’école un rôle de donneur de leçons de ténèbres par une identification morbide avec les enfants massacrés ou gazés, alors qu’elle est censée enseigner l’Histoire ?
• Est-ce un peu fou ? Mais en même temps il y a de la méthode, donc on a à faire à un patient intelligent dont les discours sur la religion sont appuyés !
• Ce patient découvre qu’il y a quelque chose de fascinant et de profitable dans trois domaines précis : La foi / l’école / et la mémoire. Fascinant parce qu’ils ébranlent les esprits, leur imposent, le silence. Profitable pour ce patient qui les utilise, même s’il ne soucie pas des conséquences. Le rapport à ses petites victimes que sont nos enfants n’est pas perceptible, il n’identifie pas la souffrance psychologique potentielle de celles-ci.
• Ce patient projette dans cet ouvrage que les enseignants acceptent la méthode qu’ont employé les curés pour modeler les consciences qui consiste : à assaisonner l’espérance d’une pincée de terreur, actuellement minoritaire au sein même de l’Eglise.
Dans son délire il projetait en 2008, de rencontrer le pape : lui, le président de l’Etat et un humoriste grivois. On voit là, le côté tragicomique de ses fantasmes. Il considère les instituteurs comme ne pouvant remplacer le curé dans la transmission des valeurs, la pensée de cet homme de 2008 porte atteinte au principe de laïcité, mais de quelle époque est-il ? Là se pose son rapport au temps.
• Ce patient exalte une radicalité de la vie, dans une confusion de plus en plus grotesque ! L’émotion se substitue à la raison, le déséquilibre à l’équilibre.
• Sa pensée tient en une relation d’identité avec les enfants morts. Dans des sociétés européennes plurielles, comment les enfants de diverses communautés vont-ils s’identifier à des enfants d’autres confessions ? Cela risquerait d’instaurer une concurrence dangereuse entre les victimes. Une sordide compétition des victimes.• Comment ce patient peut-il penser, désirer faire porter le fardeau de l’horreur à des jeunes ? Cet abîme indicible, du macabre qui submerge mêmes les adultes tentant d’imaginer l’horreur des massacres.• Dans ses propos en séance revient sans cesse les jeunes, les jeunes une obsession dans tous les domaines. Il explique que les délinquants sexuels ayant été souvent eux-mêmes victimes d’abus sexuels dans leur enfance, il faudrait dans l’idéal pouvoir traiter et suivre psychologiquement les jeunes victimes d’éventuels futurs crimes du même genre. Ses propositions d’éradication, de traiter le mal à la racine, c’est-à-dire dès l’enfance vont jusqu’à imaginer repérer les comportements déviants dès la maternelle.
Face à ces projets en parlant autour de moi de ce cas, j’ai vu des enseignants, des pédagogues prenant cela pour argent comptant, ces projets empoisonnant leurs ambitions pédagogiques, prêts à se rebeller, même la Ligue des Droits de l’Homme était prête à se mobiliser ! Les pédopsychiatres et psychanalystes amis, des spécialistes de la petite enfance s’insurgeaient déjà. J’ai dû les rassurer ce n’était que des propos en séance clinique, ils ne pouvaient pas un seul instant penser qu’un Etat, un président pourraient reprendre à leur compte ces propositions délirantes et irréalistes.
Cas clinique, difficile, problématique, à soumettre aux experts, aux cliniciens !
Dangerosité mentale | risque pour la santé mentale | violence sur enfants, sur élèves Foi - Ecole – Mémoire
VIOLENCE SUR ENFANTS, SUR ÉLÈVES ...
février 2008
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LES BILLETS D'HUMEUR DE JEAN-PIERRE VOUCHE - 2
Chaque fois que l’absence t’a abandonné tu t’es trouvée impliquée dans la solitude des dieux et des poètes, digne !
Sois donc «le dedans» errant de «ton dehors» et le dehors de «ton dedans» !Sois présente dans l’absence !
Nous avons tu le sais des sœurs et de frères derrière cet horizon !
Des enfants, des femmes et des hommes bons, qui t’aiment et nous regardent, pleurent, puis pensent en eux- mêmes :«Ne nous laisse pas seuls Sh Ems!»
«Ne nous laisse pas, brille dans le ciel de nos espoirs de radicale liberté»Embrasse de ton humanité les martyrs qui ont lutté pour que les cerfs-volants à quatre couleurs : rouge, noir, blanc, vert rêvent de jours meilleurs !
Un peu d’absolu bleu infini suffira, pour alléger le fardeau de ces temps de pierre.Pays au point de l’aube, réveille ta colombe aux plumes de sable étincelant,
Et monte enivrée du parfum des roses,Légère, légère pour devancer leur rêve,
Portée par les regards brillants de tes jumeaux adorés.E
t si le ciel te retardait, pose toi apaisée et légère sur la roche cristalline qui soupire !
Dans la manière de Mahmoud Darwich,
Jan Per Vouche • le 14 octobre 2005
"11 OCTOBRE 2006, PREMIER ANNIVERSAIRE DE LA DISPARITION DE GENEVIÈVE CLANCY, PHILOSOPHE, POÈTE, PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE À LA SORBONNE, À MON AMIE !
octobre 2006
« Quel est ce monde où il ne reste que la mort pour défendre le sens de la vie ?
Les mots deviennent des silences errant à l’incendie du temps.
Que sait la conscience à l’instant du sacrifice ?qu’elle franchit son humanité ou qu’elle en protège le seuil...
Quelle lumière de lumière découvre-t-elle par l’entrée de la nuit
?La proximité quotidienne de l’inique et du malheur innaturel,
Le regard de fatalité impuissante dont on les accompagne
Fait abîme.Il en a toujours été ainsi, dit-on.La simple beauté de devenir au coeur des autres ne fut-elle jamais ?
Par quelle déchirure de l’obscur peut-on voir que ce qui ne fut jamais pourtant est ?
Voir cet interstice le plus approché de la libertéoù le réel hante l’irréel comme son double.
..La révolte est cette voyante qui fait route vers la proximité des irréels.Son chemin n’éclaire pas le sens de l’histoire, il en révèle l’être.
Ce bruit de nuit entre le fleuve et ses rives : instant de pure présence à l’être selon ses fonds,
Présence à la verticalité, détachant les ombres,
Approche du littoral tutélairede la lumière »
Extrait des "Cahiers de la nuit..." de Geneviève Clancy
"SH EMS, notre soleil éternel !"
Ces hommes avaient déjà une propension au suicide. En étudiant la biographie de certains d'entre eux Gehad Marzaweh* psychanalyste palestinien qui travaille à Fribourg en Allemagne, a retrouvé partout le même schéma : au début de leur vie, ils ont été confrontés au sein de leur famille à la violence, à l'oppression, à des humiliations.
Nous retrouvons dans nos suivis cliniques des diverses consultations pour hommes violents à Paris, pour les violences familiales à Beauvais, pour les suivis familiaux des proches de criminels sexuels, d'hommes violents du CMP de la Garenne Colombes, ces mêmes particularités, ces hommes n'ont jamais pu laisser éclater leur colère car, dans les familles arabes traditionnelles, musulmanes, la hiérarchie est sans ambiguïté : une seule personne a le droit d'être violente, le père.Que fait donc un jeune homme qui ne peut pas évacuer sa colère ? Il la tourne vers l'intérieur. Mais il n'a pas le droit de se tuer, car, dans l'islam, le suicide est condamnable et interdit !Ces personnes sont donc contentes lorsqu'ils trouvent un jour une possibilité de reporter leur colère sur un autre ennemi. Certaines forces religieuses soutiennent ce genre de choses et leur permettent de transformer l'interdit en acte héroïque.
La nécessité de travailler ces questions en thérapie est un accès à ces dérives, sans ce travail nous connaîtrons au niveau international une catastrophe sociale dans ces prochaines années ! Dans les pays arabo-musulmans, on a peur de la clarification, de la prise de conscience. On y affirme volontiers : « Nous, nous n'avons pas besoin de la psychanalyse. Ce genre de chose, c'est pour l'Occident décadent. ». Pour la plupart des gens, il est inconcevable de parler de la sexualité, de la violence intrafamiliale, de la violence du père comme le fait la clinique analytique.
Gehad Marzaweh ajoute « je crois pourtant que le monde arabe ne s'en sortira pas sans psychanalyse et sans thérapie ! ».
Au sein des pays du Maghreb, c'est incontestablement au Maroc et en Tunisie que la pratique psychanalytique existe aujourd'hui. « Le Maroc est le deuxième pays au monde arabe après le Liban où une institution analytique a pu voir le jour » selon Jalil Bennabi fondateur de la Société Psychanalytique Marocaine lors d'un colloque l'an dernier à Beyrouth . En Algérie la psychanalyse est balbutiante mais une vraie demandes de psychologues et de psychiatres existent au sein de la nouvelle génération, marquée par la violence des années 1990. Notre secrétaire général de la LFSM, Norbert Sillamy nous confirmant cette tendance après avoir enseigné ces dernières années à l'Université de Mostaganem.
La Ligue Française pour la Santé Mentale est liée à Ligue Mondiale pour La Santé Mentale, aussi notre approche ne se limite pas, à nos questions nationales sur la clinique, mais s'ouvre à des interrogations et des débats internationaux sur des situations particulières.Le cinquième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 des Twin Towers à New York nous interroge sur le fait que des musulmans ont pu commettre ce type d'action.
APPROCHE PSYCHANALYTIQUE DES ATTENTATS-SUICIDES PERPÉTRÉS PAR DES MUSULMANS
septembre 2006
Un cri retentit au-dessus de ma tête. Telle une flèche noire ; l’oiseau s’élance de la falaise de la montagne de Badakhchan, plonge vers la vallée du fleuve Panjshir et disparaît pour sa chasse matinale. Trois cent mètres plus bas. Les fils d’argent du Panjshir miroitent entre les tâches mauves des roches. Les contreforts rocheux arides se parent d’armoises et de quelques arbres verts. Soudain, comme tranché par une lame, l’air se met à siffler. Dans un grand battement d’ailes, un rapace fonce vers Changran, deux aiguilles de grès qui jaillissent d’un étroit et long plateau rocheux. Il pousse un cri, un oiseau lui répond et vole à sa rencontre. Le deuxième se retourne sur le dos, saisit la proie que l’autre tient entre ses serres et revient vers le rocher. Le premier décrit des cercles au-dessus de lui.
Par sa beauté, sa force et son courage, il est depuis longtemps le symbole de la liberté ; sa fierté quasi aristocratique en fait le roi des oiseaux. On le reconnaît à ses longues ailes effilées, son dos bleu ardoise, sa poitrine blanche et le heaume de taches noires qui orne sa tête. L’espèce est en voie de disparition et ceux-ci sont l’un des derniers couples vivant dans la vallée du Panjshir ! Le mâle s’appelle « Amer Saheb ». La femelle est « Pari ».
A mon arrivée en juillet 2001, six œufs avaient déjà éclos. Pari assure le plus souvent la surveillance des petits, pendant qu’Amer Saheb se charge de la nourriture. Le sixième jour, je l’ai vu décrire un large cercle, haut dans le ciel azur, puis fondre comme une flèche sur un aigle doré bantali, beaucoup plus gros que lui. Les faucons afghans détestent ces oiseaux bantalis. Qui détruisent leurs nids et mangent parfois leurs petits. Alors qu’Amer Saheb pique vers l’intrus, celui-ci se met sur le dos, toutes serres dehors. Sans se laisser intimider, Amer Saheb saisit les pattes de son adversaire et l’entraîne en spirale vers le sol. L’aigle se dégage et revient vers Amer Saheb. C’est compter sans Pari, qui quitte son aire et vole à la rescousse. Pareils à des faucilles exécutant un duo, les deux faucons panjshiris se croisent. Attaqué brutalement des deux côtés à la fois, l’aigle esquive l’un pour se retrouver face aux serres de l’autre, et finalement bat en retraite vers Shamali. Le vol des deux faucons a été une décharge d’énergie pure, fulgurante comme l’éclair.
Plus les petits grandissent, plus les parents intensifient leur chasse. Mais le 8 septembre Amer Saheb, disparaît. Les heures passent, et je suis de plus en plus inquiet. Je sais que les faucons afghans sont fidèles l’un à l’autre pendant des années, ne se séparant que l’été. Qu’est-il arrivé à Amer Saheb ? Le 9 septembre 2001, Pari adopte un comportement bizarre. Elle chasse moins et, après avoir nourri ses six petits, reste immobile pendant des heures au bord de la falaise. Je l’entends dans la nuit appeler son compagnon. Mais seul le vent répond à la tendresse de son appel ! Le corps droit et tendu, la tête tournée vers le ciel, elle pousse alors une sorte de gémissement d’animal blessé. La plainte se répercute en écho sur les parois de schiste. Le lendemain, elle reste sans chasser ni manger, plus figée qu’une statue. Si Amer Saheb est effectivement parti. Pari ne pourra pas retrouver de mâle avant l’année prochaine, et elle se refuse d’aller à la chasse, les petits vont mourir. C’est fini me dis-je. Mais elle revient avec de la nourriture pour les petits ! La réaction s’est faite au petit matin, lui rendant force et détermination. Pendant toute la journée, elle s’active du matin au soir et chasse avec une ardeur renouvelée. Elle ne s’est pas laissée vaincre.
Je vois des jeunes faucons sortir la tête du nid. Les autres ont peut – être dû mourir de faim, mais quelle chance que le nid entier n’ait pas succombé ! A leur taille, j’estime qu’il s’agit d’un mâle et de six jeunes femelles. Déjà bien emplumés pour les plus grands, mais avec çà et là de cocasses plaques de duvet. Ils sont inséparables. Quand l’un s’aventure gauchement quelque part, l’autre le suit comme son ombre. Je surnomme le plus audacieux Ahmad le Hardi, l’autre Zora. Ils ne sont plus loin d’apprendre à voler, mais se contentent encore de battre des ailes en sautant sur place. Enfin ils s’élancent, maladroitement, et Pari les encourage à se joindre à elle dans son vol acrobatique. Vers la fin de la journée, ils ont peu à peu assimilé les principales figures de la chasser en vol : boucles, vrilles et piqués. Dans la soirée Pari leur a porté du raisin de Sangona, un village situé en contrebas de Jangalac, où pousse le meilleur raisin du Panjshir. Ils l’ont picoré avec plaisir ! La saison sera sans doute terminée quand leur père reviendra, ils redemandent des grains ! Le matin les petits ont fait un vol vers Bozarak pour dîner avec leurs grands-parents dans le vieux nid poussiéreux mais chaleureux. En l’absence d’ Amer Saheb, Pari a préparé un repas dehors. Mais un faucon voisin cousin est arrivé auprès des petits. Pari a été un peu surprise. Le faucon avait une tête bizarre, le bec rentré et la tête penchée sur l’épaule. Il l’a invité à voler, haut pour rejoindre Duchambe. A ce moment Pari a compris qu’il se passait quelque chose, sans savoir quoi ! Amer Saheb devait avoir peur pour elle et les petits. Pari a plongé dans le fleuve pour se passer de l’eau sur la face et tenter de mettre ses idées au clair. Ahmad l’aîné était livide le duvet en bataille relevé d’effroi ! Pari avait compris qu’il était arrivé quelque chose à Amer Saheb. Pari a vu la vallée tourner autour des petits et elle est tombée sur le sol ! Pari a repris conscience par les petits coups de becs de ses enfants piaillant. Ahmad lisant dans le regard noir de sa mère a compris ce qu’était le cœur brisé d’un faucon afghan. Au matin dans le brouillard d’automne quantités de faucons des vallées voisines de l’Hindu Kuch passaient en vol devant nous sans discontinuer. Un grand faucon a laissé entendre qu’Amer Saheb était à Farkhar, blessé ! Pari sentait la situation lui échapper, il n’avait pas été soigné sur place. Cette situation atroce échappait à Pari sans qu’elle puisse intervenir, comme de l’eau qui file entre les plumes. En rentrant au nid elle l’a imaginé dans leur grotte comme un animal blessé. Puis elle l’a imaginé qu’il était loin, peut – être inconscient, et qu’il fallait l’espérer. Un frère faucon a dit en caressant la joue duveteuse d’Ahmad « Mon garçon, quand tu verras ton père, tu lui diras, je suis fier de toi ; Tu es mort en martyr pour sauver les nids de ton pays ! ». Le ciel les a absorbés.
Pari découvrit le faucon merveilleux qu’elle avait tant aimé et vénéré, il était une carcasse livide et rigide. Ses beaux plumages, étaient brûlés et son corps couvert de blessures. Lui qui détestait l’hiver n’était plus qu’un morceau de glace ailé. Depuis Pari a compris que des oiseaux venus du Maroc avaient croisé son vol à Khoja Baodin, lestés de métal, ils ont criblé d’éclats le plumage royal d’Amer Saheb. Un morceau de métal s’est fiché dans son cœur, peut être là où il avait la perle noire offerte par Jan Per ! Pari ne quitte plus aujourd’hui cette perle. Les petits et Pari sont rentrés d’un long vol ténébreux et silencieux vers Jangalac. Le lendemain le dimanche son corps enveloppé dans un linceul blanc est arrivé accompagné par des milliers de faucons panjshiris, ils se frappaient la face, se jetaient à terre dans un désespoir indescriptible. C’est là où Pari a réalisé que son faucon de mari ne lui appartenait pas. Qu’il était pas seulement le faucon mari et le père de ses petits, mais l’admirable faucon de tout un peuple ailé. Du haut d’un jardin, Pari a suivi un long moment la vague des faucons, inhumant le beau Amer Saheb au sommet de la petite colline qui surplombe une maison. C’était la fin de l’été, et la fin de sa vie !
Quinze jours ont passés avant que Pari puisse voler jusqu’à sa sépulture de Saritcha. Le vent soufflait, les quatre piquets du petit toit vacillaient ! De chaque côté de la montagne s’étendait sa vallée chérie avec cette rivière qui le faisait tant rêver ! Ils sont partis volant loin vers l’Iran, mais chaque année ils retournent vers la maison du haut, Pari ne couche plus dans la même grotte, plus loin on voit encore des restes des plumes perdues avant les chasses et les anciens duvets des petits.
Devant la vallée nous voyons son ombre portée.
"A mon Ami Ahmad Shah Massoud !" — Poème de Jean-Pierre Vouche.
Lire, en fin du texte du poème, le témoignage de Jean-Pierre Vouche sur la veille de la mort
d'Ahmad Shah Massoud
PARI ET AMER SAHEB, DEUX RAPACES S'AIMAIENT D'AMOUR TENDRE
septembre 2005
Le 8 septembre 2001, la veille de l'attentat qui va coûter la vie à Ahmad Shah Massoud, l'ambassadeur à New–Dehli (Inde) du gouvernement Rabbani – Massoud, Khalili Massoud, récite à Ahmad Shah Massoud un poème de Jaami (poète afghan soufi du 14e siècle). "Comme la bougie, je suis mort étouffé par mes larmes. Comme une bougie, je suis devenu silencieux. Et comme le catogan de mon amour, je suis un errant qui se balance sur les épaules du temps. Me souvenant de toi, tant de jours et tant de nuits, que j'en ai oublié mon âme ! " Ahmad Shah Massoud ferme les yeux, mord ses lèvres et dit : " Dieu que c'est beau !"
Témoignage de Jean-Pierre Vouche sur la veille de la mort d'Ahmad Shah Massoud
AHMAD SHAH ET KALILI MASSOUD
MAUSOLÉE DE AHMAD SHAH MASSOUD
Dans un contexte de contrôle permanent la majorité des victimes d’abus sexuels gardent le silence, les viols et abus sexuels ne pouvant être recensés bien qu’ils soient fréquents...
LE SILENCE DES ENFANTS ABUSÉS
août 2005
Dans un contexte de contrôle permanent la majorité des victimes d’abus sexuels gardent le silence, les viols et abus sexuels ne pouvant être recensés bien qu’ils soient fréquents. Cette situation peut se retrouver dans des institutions fermées, closes (pensionnats, foyers, écoles religieuses). Une illustration récente : « Les madrassas de la Honte au Pakistan » par Alice Draper dans Libération du 24.08.2005 (*voir lien en fin de texte). Abid, 14 ans, plaisait beaucoup à l’un des enseignants de l’école religieuse où il étudiait à Karachi en 2002. Le jeune mollah a commencé à lui faire des avances dès qu’il se trouvait seul avec lui. Abid l’a menacé de se plaindre au directeur avant de s’enfuir chez ses parents. Son professeur fou de rage, a fait irruption armé d’un flacon d’acide. Abid est défiguré et a quasiment perdu la vue. A Lahore c’est la maman du petit Talha 6 ans, qui a retrouvé son fils évanoui, les vêtements ensanglantés, sur le parvis d’une mosquée. Le petit y suivait des cours de Coran. Cet après-midi là son professeur a renvoyé tous les autres enfants chez eux. Il a enfermé Talha dans sa chambre, l’a menacé de le battre avant de le violer. La presse est en devoir de révéler ces sévices
!Silence !
Ces faits divers terribles relatés par la presse pakistanaise révèlent les sévices que peuvent subir les enfants dans les madrassas, les écoles religieuses. Et l’impunité dont bénéficient les mollahs. C’est l’enfer qui attend ces enfants ; les élèves vivent dans des conditions insalubres et les maltraitances sont quotidiennes. Atif s’est rebellé contre ces mauvais traitements, son maître a voulu le punir de manière exemplaire. Il l’a attaché avec des câbles électriques et l’a frappé à coups de barres de fer et de chaînes jusqu’à ce qu’il s’évanouisse. Il a survécu lors de son séjour à l’hôpital ; il était traumatisé au point de se mettre à pleurer dès qu’il voyait un docteur avec une barbe ! Dans ce milieu clos de pensionnats religieux, les gamins sont sous contrôle absolu, ce qui facilite les viols. C’est de notoriété publique qu’il y a des mollahs pédophiles, toutefois personne n’en parlera. Une culture de l’impunité s’est établie ! Nous avons à lever le voile sur ces pratiques, et faire qu’il n’y ait d’impunité ! L’omerta reste de mise, comme cela a longtemps été le cas en Europe, avant que l’église ne soit contrainte de reconnaître le problème et que les prêtres pédophiles ne soient jugés devant les tribunaux.
Le vice-ministre des Affaires religieuses pakistanais Amir Liaquat Hussein a révélé que la police avait reçu 400 plaintes pour viols d’enfants commis par des mollahs en 2004. Il se félicite dans son bureau d’Islamabad : «Ce problème existe dans toutes les religions, mais ici on se voile la face,...ça donne une mauvaise image de l’islam ! ». Mais que deviennent ces victimes ? Pour les plus résilients ils repartiront dans la vie, mais les autres ont – ils un soutien psychologique spécialisé ?
Notre association LFSM propose des consultations sur plusieurs départements en France ; nous offrons ainsi à l’Aide Sociale à l’Enfance à Beauvais du Conseil Général de l’Oise une consultation pour le suivi psychologique d’enfants victimes et des programmes de thérapies pour des mineurs auteurs d’abus sexuels.
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